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2018 : Une réplique de 2008 ?!

Le 10 janvier 2019 Expertises

« ça va péter » – Acte 2 ;
2019, le choix de l’embarras : 1789, 1929, où 1969

En janvier 2015, je titrais ma lettre « ça va péter » pour illustrer les changements de paradigmes résultant à la fois de l’impact de la technologie, de la globalisation, du recul des pays occidentaux et des risques écologiques (la COP 21 allait se tenir 11 mois plus tard à Paris). Je concluais par une affirmation tout autant prémonitoire que péremptoire « A l’analyse risque/rendement prévalant dans la deuxième partie du XXe siècle, s’ajoutera au XXIe siècle la dimension Impact Social ; la responsabilité durable au sens social et écologique ».

Ce qui se passe depuis dans les pays occidentaux (Brexit, D. Trump, Chine, Italie, Allemagne…) et singulièrement en France depuis 2 mois sont autant de signaux, de moins en moins faibles, des difficultés à modifier en profondeur le système ; pour ne pas dire de signes annonciateurs d’une nouvelle grande crise ; de quelque côté que l’on se tourne, 2019 se présente sous des auspices difficiles.

Les déséquilibres accumulés, au premier desquels l’endettement, touchent d’une manière différente chaque acteur et chaque individu et laissent peu d’espoir à un quelconque équilibre mondial. On assiste, impuissant, à la fin du multi-latéralisme, les états nations/gouvernements sortent d’un système/gouvernance mis en place depuis 1945. L’ordre mondial est chamboulé au profit d’actions individuelles des états nations… Et en même temps, les mouvements sociétaux font le chemin inverse, alors que de leur côté les états se divisent, les individus se rassemblent derrière une notion de « société consciente » – l’essor des mouvements citoyens sur le climat ou les « gilets jaunes », - où les individus deviennent solidaires parce que chacun se rebelle contre son propre sort, avec une rébellion ultime, celle contre l’ordre établi et les inégalités qui sont réputées issues de cet ordre.

Les « gilets jaunes », tels les sans-culottes et les bonnets phrygiens incitent à danser la Carmagnole « que les riches payent et répudions la dette publique », telle la banqueroute des deux tiers de 1797. Emmanuel Macron n’est que le bouc émissaire, celui dont la fonction permet d’unir une communauté qui est en train de se créer. La haine, étymologiquement venant de la chasse, entraine une volonté de curée où on forme un groupe pour défendre son identité et détruire l’autre. L’incitation à la haine se manifeste lorsque la haine est suffisamment profonde. Ce que vit la France en ce moment est clairement dangereux, le symptôme même du populisme est non seulement lorsque les intellectuels sont dévalués mais également rendus responsables de tous les problèmes du pays. Michel Foucault disait « ce n’est pas difficile, l’intellectuel c’est celui qui est coupable. Coupable d’un peu tout : de parler, de se taire, de ne rien faire, de se mêler de tout. Bref, l’intellectuel, c’est la matière première à verdict, à sentence, à condamnation, à exclusion ». Fort de l’idée que les institutions ne font plus leur travail, il existerait une sorte de justice naturelle, populaire, qui serait plus juste que les institutions. Pour compléter ce tableau, n’oublions pas l’aspect humain et en l’espèce le côté sadique du spectateur qui se réjouit qu’une personne célèbre soit mise à mal : « ton malheur est mon bonheur » Vladimir Jankélévitch ; collectivement, on aime ça.

Les Etats-Unis et la Chine s’affrontent sur les droits de douane et la circulation maritime (de la mer de Chine à la route de la soie), les tensions autour de la Russie et du Moyen Orient (y compris l’Iran) sont loin de s’apaiser. A 100 jours du Brexit, les tensions montent en Irlande comme en Ecosse sans compter les revendications
espagnoles sur Gibraltar. L’arrivée au pouvoir de Jair Bolsonaro met l’extrême droite à la tête de la 8e puissance mondiale (au même niveau de PIB que la France et l’Inde).

En 1969, après l’augmentation de 35 % du SMIC, la France est rentrée dans une politique de dévaluation par rapport au Mark pour regagner une partie de la compétitivité qu’elle avait perdue. L’abandon de la convertibilité du Dollar en or dès 1971 puis la crise pétrolière n’ont cependant par permis d’enrayer ce déclin relatif et surtout la désindustrialisation qui s’est accélérée avec la globalisation. En 2019, avec l’Euro, il n’y a plus qu’à espérer que l’Allemagne emboite le pas sur l’Espagne et la France en matière de hausses salariales… et que le Dollar s’apprécie !

Si la manifestation de la crise de 2008 fut financière, il s’agissait, rappelons-le, structurellement d’une crise de la demande. Comme pour la crise de 1929, la concrétisation fut financière mais la création puis l’explosion d’une bulle financière eut pour origine la stagnation du pouvoir d’achat (la célèbre formule d’Henry Ford, les gens peuvent choisir n’importe quelle couleur pour la Ford T du moment que c’est noir). La stagnation du pouvoir d’achat des ménages américains depuis le début des années 80 avait poussé le Président Clinton dès 1995 à soutenir la consommation des ménages par la mise en place de l’hypothèque rechargeable : la valeur de l’immobilier augmentant, les banques ont industrialisé le financement supplémentaire et la finance de marché, par le biais de la titrisation et du tranchage, a fait le reste. La mise à quasi zéro des taux courts après le 11 Septembre a accéléré le mouvement et la remontée des taux courts en 2006 a été le déclencheur de l’insolvabilité des ménages et s’est répercutée sur le secteur financier… on connait la suite.

Lettre de Xavier Lépine

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