Un optimisme prudent à l’aube de l’été nous semble de mise

Le 08 juin 2015 Investissement

Pascale Auclair, Global Head of Investments La Française Global AM, expose son point de vue sur les marchés.

Après le pic de volatilité du mois d'avril, l'exposition aux marchés actions a été renforcée

Après la vive hausse des bourses européennes en début d'année, la pause constatée ces dernières semaines apparaît plutôt salutaire. L’ampleur du rallye s’explique en partie par un nécessaire rattrapage, après une année 2014 morose sur les marchés actions européens. Mais il est aujourd'hui fondé sur l'amélioration de la conjoncture macroéconomique et des conditions pour les entreprises devenues une réalité en zone euro. Nous sommes sortis de l'ornière, des craintes de récession, de déflation. Les résultats des entreprises s'améliorent et justifient ainsi une poursuite du mouvement haussier. Le récent accès de volatilité sur les marchés était d'ailleurs dû non pas aux marchés actions, mais à un stress sur les taux.

Une entrée dans une dynamique auto-entretenue

Les bons résultats affichés par les sociétés européennes au titre du premier trimestre étaient sans doute en partie liés à un « effet d'aubaine » et à la conjonction de plusieurs phénomènes : la chute des coûts de l'énergie, la baisse de l'euro, favorable aux exportations, et le maintien par la Banque centrale européenne de conditions de financement très accommodantes, accrues par le lancement de son « Quantitative Easing ». Désormais, c'est une dynamique auto-entretenue qui doit se mettre en place, avec une croissance des chiffres d'affaires, restée à ce stade modeste et qui devrait s’accentuer. Dans ce contexte, nous anticipons un rebond des bénéfices de l'ordre de 10% qui devrait engendrer naturellement une hausse de 10% des indices à un horizon de 12 mois, sans renchérissement des valorisations. 

Les actions européennes surpondérées

En termes d'allocations d'actifs, nos perspectives se traduisent par un positionnement constructif, mais un peu moins offensif qu'en début d'année. Notre exposition aux actions dans nos portefeuilles flexibles atteint 45%, contre 65% en janvier, mais avec un point bas à 27% fin mars. Nous étions très prudents en avril et nous nous sommes renforcés depuis (notre sensibilité aux actions est en pratique plutôt proche de 60% du fait de notre exposition aux obligations high yield). Et dans la poche actions, nous privilégions fortement les actions européennes, qui comptent pour 35% de notre allocation globale, contre 4% pour le Japon et 6% pour les émergents, essentiellement l'Asie. Si nous devions nous renforcer encore sur les actions, ce serait sans doute au bénéfice des valeurs américaines, qui sont pour le moment absentes de nos portefeuilles flexibles. Mais notre principale capacité à générer de la performance reste le stock-picking et nous avons d'ailleurs assez peu de biais sectoriels (si ce n'est une légère surpondération sur les financières, pour jouer le QE).

Par ailleurs, concernant les marchés de taux, et pour comprendre les forts mouvements de la fin du mois d'avril, il est nécessaire de prendre en compte les excès historiques que nous avons vécus récemment : la courbe des taux allemands était ainsi en territoire négatif jusqu'à 9 ans ! Les intervenants institutionnels contraints par leurs réglementations à rester investis sur l'obligataire souverain, ont donc joué l'aplatissement de la courbe pour aller chercher du rendement, ce qui a créé des goulets d'étranglement. Les fonds spéculatifs ont utilisé du levier sur les marchés de futures et le débouclement de leurs positions a créé une onde de choc. S’ajoute à cela un certain asséchement de la liquidité, en particulier sur les obligations souveraines. Cette conjonction de facteurs explique un décalage de près de 100 points de base du Bund allemand en quelques jours. Même si nous sommes revenus en zone plus normée, les taux ne sont toujours pas le reflet de la situation macro : avec un rythme de croissance limité à 1,5% et une inflation proche de zéro, nous devrions plutôt nous situer aux alentours de 1,5%. Leur niveau est biaisé par les interventions permanentes, au moins jusqu'à fin 2016, d'un acheteur en dernier ressort, la BCE, et ils resteront ainsi artificiellement bas. Dans le même temps, Outre-Atlantique, nous anticipons une croissance de 2,5% en 2015 et une inflation de 1,6-1,7%. Une situation qui justifie l’amorce d’une normalisation de ses taux à la rentrée par la Réserve Fédérale, vers 1,75-2% à un horizon de 18 mois. Ils resteront toutefois certainement inférieurs à leur niveau historique.

Le paysage pour les prochaines semaines n'est cependant pas complètement exempt de risques de stress. Outre des mouvements techniques, spéculatifs, le feuilleton grec n'est pas terminé. Mais, sur ce dossier, notre vision n'a pas évolué : la Grèce pourra difficilement rembourser sa dette, mais elle est aujourd'hui détenue essentiellement par la sphère publique, aussi il s'agit d'une question politique. Une restructuration de la dette grecque est absorbable et d'ailleurs, l'effet de contagion vis-à-vis des pays périphériques de la zone euro s'est fortement émoussé, alors que ces pays sont en phase de redressement.

Sur plusieurs segments du marché obligataire, les spreads restent substantiels

Au cours des dernières semaines, la classe d'actifs qui a le mieux résisté est le crédit.  En particulier, la croissance des taux a été presque entièrement absorbée par les spreads sur le high yield. Le coussin du spread a joué son rôle protecteur. Cette bonne tenue du marché du crédit est à l'image de la confiance des investisseurs vis-à-vis des entreprises européennes, qui n'ont pas de soucis de solvabilité, et affichent ainsi une très bonne santé. En conséquence, nous construisons des positions sur le marché du crédit comportant une partie significative de high yield. Nous misons aussi, dans une perspective de recherche de rendement et avec une forte sélectivité, sur la dette émergente souveraine en devises fortes, la dette subordonnée bancaire, mais aussi hybride corporate, ainsi que sur la dette des pays périphériques. Enfin, nous reconstruisons une poche sur les indexés inflation. Sur la plupart de ces segments du marché obligataire les primes de risque sont encore substantielles, aussi nous conservons nos positions avec confiance.

Au cours de l'été nous conserverons a priori ce niveau d’investissement mais en étant réactifs, nous resterons attentifs aux données économiques américaines qui conditionneront le calendrier de la FED, nous suivrons avec attention les étapes de la négociation sur le dossier grec, et réagirons si se matérialisent de nouvelles menaces.  Ce d'autant plus que nous souhaitons aujourd'hui protéger notre performance.