Coronavirus : Déstabilisation des marchés

Le 02 mars 2020 Expertises

L’épidémie de Coronavirus auquel le monde est confronté a mis un coup d’arrêt au cycle boursier particulièrement favorable aux actifs risqués depuis fin 2018.

Outre l’impact humain, cette crise aura un impact économique très fort à court terme mais la véritable clef pour élaborer des scénarios de marché sera la durée des freins portés à l’activité. Dans cet environnement troublé, il convient d’agir avec prudence et de privilégier les actifs liquides en attendant que le marché prenne pleinement en compte les impacts de cette épidémie.

Les marchés financiers sont restés calmes tant que l’épidémie a été contenue sur le territoire chinois et ont brusquement décroché lorsque la dissémination mondiale est apparue inévitable. Au-delà du risque sanitaire, la réaction des marchés traduit les anticipations de baisse de la croissance mondiale et un ajustement massif des bénéfices d’entreprise.

La nature de cette crise et son caractère inédit rendent compliquées les projections économiques et financières.

Au-delà des développements d’ordre sanitaire, il existe aujourd’hui peu d’éléments économiques concrets sur lesquels s’appuyer :

  • Les premiers indicateurs économiques intégrant les effets de l’épidémie ont été publiés ce week-end. L’indice PMI chinois ressort ainsi à 35.7, bien en deçà des attentes mais surtout à des niveaux jamais vus depuis 2008. Il est en ligne avec un scénario sévère de contraction instantanée de la croissance chinoise. Probablement autour de -4%. 
  • Les indices PMI asiatiques publiés le 2 mars ne montrent pas d’effondrement. Ceci est toutefois dû au développement plus récent de l’épidémie et cela signifie donc que c’est au deuxième trimestre que nous enregistrerons le ralentissement de l’activité le plus marqué.
  • En Europe et aux Etats-Unis, les indicateurs ne reflètent pas encore les conséquences de l’épidémie. Il sera important d’y surveiller les composantes de production mais aussi celles des stocks et des délais d’approvisionnement.

Les conséquences politiques de moyen terme pourraient être fortes, chaque gouvernement devra répondre de sa gestion de la crise et cette défense sera délicate quelle que soit sa qualité. Certains aspects politiques nous paraissent particulièrement impactants pour les marchés financiers :

  • Une action monétaire, éventuellement concertée de la part des banques centrales, notamment FED et BCE. Cela paraitra envisageable lorsque les informations d’ordre sanitaire commenceront à se traduire en données économiques concrètes. Les banques centrales pourront être efficaces face à toute disruption des marchés financiers avec des annonces ciblant la liquidité : nouveau TLTRO, relance des achats d’actifs et même baisse de taux. Pour autant, elles ne pourront en aucun cas éviter le ralentissement économique à venir.
     
  • Une réponse budgétaire significative. Cela parait plus long à mettre en œuvre dans des proportions significatives, notamment en Europe pour des questions de gouvernance. 
  • Enfin, les marchés pourraient réévaluer la probabilité de non-réélection de Donald Trump, jusqu’ici très faible. Certains chapitres des programmes démocrates pouvant alors nécessiter une prime de risque supplémentaire sur les marchés d’actions américains.

Perspectives. La Chine est aujourd’hui très probablement en récession et il existe des scénarios crédibles de ralentissement mondial marqué ainsi que des incertitudes fortes sur la durée de ce ralentissement. Le scénario de croissance en forme de « U » avec une incertitude sur la dynamique de redémarrage est déjà projeté par certains industriels, comme BASF pour qui le ralentissement s’inscrit déjà dans le second trimestre 2020.

Il nous semble que les marchés d’actions, et dans une moindre mesure les marchés obligataires, n’ont aujourd’hui valorisé qu’en partie seulement les dommages économiques et humains de la situation et qu’ils ne pourront obtenir de visibilité sur l’évolution de la situation avant plusieurs jours, voire plusieurs semaines. 

Dans l’intervalle, nous devons probablement nous attendre à des informations négatives, que ce soit à propos de la diffusion du virus ou bien de la tendance économique et cela ne devrait pas permettre aux marchés de rebondir durablement. Il convient donc probablement de rester prudent sur les actifs à risque.

Il convient également de privilégier les actifs et les couvertures liquides. En effet, les rebonds de marchés baissiers sont souvent très violents et les annonces politiques pourront demander des ajustements rapides des expositions.

Achevé de rédiger par Jean-Luc Hivert, Directeur Général de LFAM, le 02 mars 2020