Après la mondialisation, la démondialisation ?

Le 02 septembre 2019 Expertises

Des signaux de plus en plus forts interrogent le modèle économique dominant des 30 dernières années : la mondialisation.

Les bénéfices de la mondialisation sont incontestables que ce soit en matière de progrès technologiques, de gains de productivité, de « confort » (santé, allongement de la durée de la vie, éducation, mode de vie), de baisse de prix relatifs pour les consommateurs et de capacité à sortir de la pauvreté plus d’un milliard d’habitants (reflété par l’Indice de Développement Humain de l’ONU).

Mais en bouleversant en même temps l’équilibre macro-économique et micro-économique des pays développés, le soutien de l’activité se traduit également par un impact négatif à très négatif sur les classes moyennes et basses.

La mondialisation est de fait économiquement efficace et en même temps très pénible ; une forte démondialisation serait tout aussi pénible mais, de plus, probablement inefficace.

Une monétisation de l’économie
Même si beaucoup d’emplois sont par définition locaux, comme dans les services, la référence implicite de la rémunération de beaucoup de fonctions est affectée par les rémunérations salariales des pays bénéficiaires des délocalisations. Par ailleurs, la mondialisation a indéniablement augmenté la violence sociale dans les pays développés, l’Entreprise ne pouvant plus assurer une pérennité de l’emploi, elle-même étant sujette à une concurrence globale.

Enfin, au-delà de l’augmentation réelle ou perçue des écarts de rémunération au sein d’une même communauté géographique entre mondialisateurs et mondialisés (le fameux coefficient de Gini), le soutien de l’activité économique dans l’ensemble des pays développés nécessite une injonction massive de monnaie. Cette monétisation accrue de l’économie, sans contrepartie équivalente de PIB, s’est partiellement reportée sur les actifs « bankable », notamment l’immobilier, dans les zones tendues, et d’une manière encore plus générale sur « les actions » – représentées par le MSCI World Total return.

A titre d’illustration, si le SMIC net a été multiplié par 4 depuis 1980 alors que l’inflation ne l’a été que par 3,5, investir dans l’immobilier parisien (évolution du prix majoré d’un rendement locatif de 2,5 % net par an) a permis de multiplier la mise de départ par 14, soit une « inflation » 3,5 fois supérieure pour les biens réels par rapport aux biens de consommation. De même, l’inflation des actifs financiers a été considérablement plus importante que celle générale des prix, le MSCI World total return ayant été multiplié par 33 sur la même période. Celui qui détenait des actifs a donc vu sa richesse augmenter sans commune mesure par rapport à celui qui n’en n’avait pas.

Comment les démocraties occidentales, qui revendiquent dans leur essence même la protection des minorités et en particulier de l’individu, peuvent-elles s’accommoder durablement d’un système où les inégalités croissent en fonction de la capacité à épargner ou du stock d’épargne dont une minorité hérite ?

La réponse des populations, dans les urnes comme dans la rue, c’est le Brexit, Trump, 5 étoiles, les gilets jaunes… autrement dit la montée du populisme dans les démocraties occidentales. La crainte desdites démocraties est évidemment de se faire battre dans les urnes. Alors, leur réponse actuelle est d’adresser la question en essayant de protéger leurs ressortissants par des mesures compensatoires, de court terme, et populaires. Paradoxalement, ces mesures risquent plus d’augmenter les inégalités que de les réduire car les réponses apportées n’adressent pas véritablement le problème. La mondialisation est allée beaucoup trop loin pour qu’une démondialisation radicale se mette en route.

L’arme des droits de douane refait surface pour résoudre cette situation mais dans les faits elle est très complexe à utiliser dans un monde globalisé.

On ne peut pas non plus parler de guerre froide car si la problématique entre les Russes et les Américains était éminemment politique, dans les faits les échanges commerciaux entre les deux blocs étaient quasi-inexistants. Si depuis 1990 l’application de la théorie d’Adam Smith sur la richesse des nations reposait sur l’organisation des délocalisations (les écarts de coûts de main d’oeuvre), aujourd’hui le débat est centré sur la technologie et les datas dont l’importance est supérieure à celle du pétrole au XXe siècle...

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